Interview dans La Plume Culturelle

 Jeudi 24 Janvier 2013 – 09:13

 Bastien Simon, un réalisateur engagé

 

 

 

De Metz à Paris, il garde le cinéma chevillé au corps


 

 

 


 


 

Notre belle région lorraine ne cesse de mettre au monde des artistes de talent. C’est à Metz que Bastien Simon, jeune réalisateur de 24 ans, a contracté le virus du cinéma. Jamais guéri depuis, il s‘exporte à Paris pour élargir son horizon. Entre films institutionnels, clips et courts métrages personnels, le cinéaste a trouvé sa marque de fabrique, un cinéma engagé et poétique mêlant fiction et réalité.

 

 


Bastien Simon, l'oeil vif, en plein tournage - © LPC | Luc Dufrene

Bastien Simon, l’oeil vif, en plein tournage – © LPC | Luc Dufrene
Bastien Simon est de ces gens qui ont toujours su ce qu’ils voulaient faire de leur vie, ou presque. Son père, artiste peintre, et sa mère, infographiste lui transmettent l’amour de l’art. « J’ai grandi dans un univers de gens simples qui aimaient l’art et qui m’ont ouvert à lui », explique l’intéressé. Tout jeune, il cultive un rapport particulier à l’image et développe un amour de la pellicule en mouvement. Dès le collège, l’idée d’évoluer dans le monde du 7ème art fait son chemin. Le jeune homme ajoute en plaisantant : « A l’époque je répétais à tout le monde que je voulais être producteur sans réellement savoir ce que c’était. Quand on m’a expliqué de quoi il s’agissait, j’ai compris que ce que je voulais devenir c’était réalisateur. » Joignant les actes à la parole, il se lance, à partir de 2001, dans la réalisation de courts métrages amateurs : « Je tournais des films de copains, rien de très sérieux, mais ce sont mes premiers pas derrière la caméra », se souvient Bastien Simon. C’est en 2005, au lycée, qu’il réalise plus sérieusement « Aujourd’hui 16 janvier » qui lui vaut 4 prix et 10 sélections. Encore plus motivé, le jeune homme en termine avec le lycée et se lance dans une mise à niveau en cinéma qui ne lui plaît pas du tout : « Cette mise à niveau manquait de création, c’était beaucoup trop théorique et je crois que je voulais aussi vivre ma vie d’étudiant », raconte-t-il avec un petit rire. Il choisit l’Ecole Supérieure d’Art de Lorraine (ESAL) pour s’épanouir : « J’ai eu le temps d’approfondir différents domaines artistiques mais je me suis vite recentré vers le cinéma », précise-t-il.

De la province à la capitale

 

 

 

Quelques idées de grandeur commencent à naître dans la tête de l’artiste. Entretenant une relation particulière avec l’Allemagne, il réalise le documentaire « Parenthèse », un périple en canoë de 264 km à la rame, de Thionville à Koblenz : « Du fait de mon Erasmus, l’Allemagne revient souvent dans mon travail. Ce documentaire, je l’ai vécu comme une sorte de rite initiatique », précise Bastien. Comme si ce voyage avait eu l’effet d’une révélation mystique, le réalisateur comprend qu’il est temps de plier bagage. La capitale messine, aussi charmante soit-elle, n’offre que peu d’opportunités aux jeunes cinéastes. Il explique, de l’amertume dans la voix : « Il y a un sérieux manque d’aides dans la région Lorraine pour les jeunes qui veulent faire du cinéma. On ne trouve pas de structures, pas de subventions. Il faut se tourner vers le Luxembourg, mais sans les contacts c’est très compliqué. » Une lueur subsiste tout de même dans l’obscurité. Bastien se souvient du programme « Envie d’agir » : « “Envie d’agir” m’a aidé à porter certains de mes projets. C’est vraiment une excellente initiative pour les jeunes. » Programme de soutien à l’engagement et à l’initiative des jeunes, « Envie d’agir » fait figure d’anecdote dans le paysage messin. C’est donc naturellement vers Paris que l’artiste met le cap. Bastien raconte : « La capitale c’est très différent en ce qui concerne le cinéma. Il y a beaucoup de monde dans le domaine et c’est beaucoup plus facile de trouver de qui s’entourer. » Cependant il nuance : « A Metz, je me suis très vite senti seul, à Paris, on est presque trop entouré, il faut savoir faire le tri. On vit dans un pays très centralisé, même en ce qui concerne le cinéma. »

Cinéma engagé, politique et poétique

 

 

 

Auto-entrepreneur, Bastien Simon ne côtoie pas encore le faste du monde du cinéma et d’ailleurs ce ne sont pas vraiment ses aspirations. Travailleur acharné, il est bien conscient que sans motivation et sans passion on peut vite se décourager. II explique : « J’ai monté seul mes projet et ce n’est pas facile, il faut savoir s’entourer des bonnes personnes. Beaucoup sont bénévoles et c’est magnifique de voir une telle passion sans rémunération à la clé. » Il ajoute, optimiste : « Mais cette solitude n’est pas un mal, elle m’a permis de développer un certain style, une certaine écriture. » C’est avec « Ceux qui marchent contre le vent » que Bastien Simon plante son style engagé et poétique. Réalisé à l’occasion de son diplôme de 5ème année, le court- métrage, imaginé à partir du texte de François Bon « La douceur dans l’abîme, vies et paroles de sans-abri », de « Conte d’asphalte » d’Anne Calife, et de « Le sang nouveau est arrivé, l’horreur SDF », de Patrick Declerck, qu’il retrace la vie de sans-abri. Le réalisateur explique avec passion : « Ca ne m’intéresse pas de faire dans le drame, je ne suis pas là pour ça. Certes j’ai voulu réaliser un film engagé qui parle d’un sujet sérieux mais toujours sur un fond de fiction poétique. » De nombreuses fois primé, « Ceux qui marchent contre le vent » est le digne précurseur de « l’Art de la chute », un autre de ses court-métrages, produit par Artworks Films et très remarqué. A nouveau inspiré de textes, « l’Art de la chute » dépeint la situation politique dans laquelle la France se trouve aux dernières élections présidentielles. L’artiste explique très justement : « J’ai utilisé des textes parfois très anciens pour illustrer des propos de personnages très différents et contemporains. Ce qu’on vit aujourd’hui a déjà été vécu il y a 2000 ans, et on commet encore les même erreurs. » Actuellement en tournage d’un documentaire sur l’inventeur Jacques Blamont, Bastien Simon est une figure à suivre.